Le bassin Méditerranéen est l’une des régions du globe où l’environnement et les activités humaines seront les plus affectées par le changement climatique. Dans la plupart des pays méditerranéens, les pressions sur les ressources en eau sont importantes, surtout dans les pays du Sud et de l’Est. Dans certains pays comme l’Egypte, Israël ou Malte, les prélèvements en eau avoisinent, voire même excèdent le volume annuel moyen de ressources naturelles renouvelables (indice supérieur à 80 %). Les études et projections existantes soulignent l’augmentation importante attendue des populations « pauvres en eau », c'est-à-dire sous le seuil de 1 000 m3 par habitant par an : dans le bassin Méditerranéen, celles-ci passeraient de 180 millions de personnes aujourd’hui à plus de 250 millions de personnes, soit 100 millions de plus, dans les 20 ans.
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Pour répondre à la demande croissante des populations et activités économiques, les politiques de l’eau et stratégies nationales ont organisé l’augmentation de l’offre en eau, que ce soit par la construction d’infrastructures de stockage et de distribution de l’eau de surface, l’exploitation des aquifères, ou depuis plus récemment l’utilisation de ressources non-conventionnelles (réutilisation de l’eau usée, désalinisation d’eau de mer). En Méditerranée, les eaux souterraines ont vu leur exploitation croître de manière exponentielle et représentent aujourd’hui la principale source d’eau (tous usages confondus) pour un tiers des pays (ex. Croatie, Chypre, Lybie, Malte, Tunisie). En particulier, les pompages privés pour l’agriculture ont augmenté de manière très importante, 60 % des eaux souterraines étant utilisées pour l’irrigation. L’insuffisance ou l’absence de droits d’usage se traduit par un accès libre de fait à ces ressources et par une course au pompage entraînant une surexploitation (« Tragédie des communs ») et de graves impacts environnementaux (intrusions salines, pollution, glissements de terrain, etc.). Des mesures de régulation doivent être mises en place sous la forme d’instruments règlementaires, économiques ou d’approches contractuelles telles que les contrats de nappe. Par ailleurs les contraintes s’accroissent au fur et à mesure de la réalisation des infrastructures de mobilisation des ressources ; elles sont aussi bien physiques (les sites les plus favorables pour la construction de barrages, par exemple, sont aujourd’hui occupés) que financières (leurs coûts sont de plus en plus élevés) et environnementales (les problèmes d’intrusions salines ou de dégradation des écosystèmes aquatiques sont de plus en plus fréquents).
Avec l’accroissement rapide de la population, la dégradation de l’environnement et les effets du changement climatique, il n’est aujourd’hui plus possible de satisfaire l’ensemble des demandes en eau en augmentant l’offre. Une approche intégrée pour la gestion des ressources en eau, basée sur la gestion de la demande et l’utilisation durable des ressources en eau non conventionnelles, est absolument vitale. La gestion de la demande en eau (GDE) vise à inciter à un meilleur usage de l’eau déjà mobilisée avant d’envisager une augmentation de l’offre, et à contribuer ainsi à résoudre l’équation offre/demande en eau. La GDE est définie comme l’ensemble des mesures visant à accroître les efficiences techniques, sociales, économiques, institutionnelles et environnementales de l’eau. Elle vise à rendre plus efficace la consommation d’eau au sein d’un secteur d’usage (efficience intrasectorielle) et l’allocation de l’eau entre les différents usages (efficience inter-sectorielle). Les bénéfices de la GDE sont d’ordre quantitatif (réduction de la demande en eau), qualitatif et environnemental (réduction des rejets), économique et énergétique (le coût y compris énergétique du m3 d’eau économisé étant bien souvent inférieurs à ceux du m3 d’eau nouvellement mobilisé et/ou produit).
Dans le cas de l’agriculture irriguée, maximiser la productivité de l'eau signifie maximiser non seulement la production agricole ou encore la valeur ajoutée par m3 d'eau, mais aussi, entre autres, le nombre d'emplois ruraux susceptibles d'être créés avec des ressources en eau limitées. En règle générale, les usagers des secteurs non agricoles (industrie, tourisme) tirent des profits bien plus importants de l'utilisation de l'eau et sont plus disposés et en mesure de payer des tarifs très supérieurs. Les utilisateurs agricoles en tirent moins d'avantages financiers directs et opposent une forte résistance à une augmentation des redevances d'eau. La différence importante de valorisation de l’eau entre secteurs (sur le critère de la disposition à payer ou du revenu au m3) exerce une pression sur l'agriculture, fortement consommatrice, afin que les ressources en eau qu’elle utilise puissent être libérées pour des utilisations plus rentables, notamment pour des usages domestiques (sachant que ces derniers ont toujours la priorité), touristiques ou industriels. L’analyse économique peut faire intervenir des critères (emploi, sécurité alimentaire, équilibres régionaux, valeur d’aménité des paysages…) faisant apparaître une valeur sociale de l’eau susceptible de conférer une meilleure rationalité à son utilisation en agriculture. Les obstacles à l'application d'une allocation intersectorielle de l'eau à grande échelle sont notamment l'absence d'une définition claire des droits d'utilisation de l'eau et de leur négociabilité, et le manque d'une perception généralisée de la valeur réelle de l'eau dans des conditions de raréfaction des disponibilités (FAO, 2004).
Les marges de progrès en termes physiques sont considérables : le potentiel d’économies d’eau a été évalué à un quart de la demande, l’agriculture irriguée représentant plus de 65 % de ce potentiel (Plan Bleu, 2005 et 2007). Suite aux travaux du Plan Bleu, un objectif régional de 25 % d’économies d’eau d’ici 2025 a été adopté dans le cadre de la Convention de Barcelone, en prenant l’année 2005 comme référence. Cependant, en pratique, la GDE est principalement abordée sous l’angle technique, sur la base du concept d’efficience hydraulique. Il est important de mieux appréhender également les dimensions financières, économiques, sociales et environnementales de l’allocation et de la gestion de l’eau. Trois ateliers régionaux sur la GDE ont été organisés par le Plan Bleu sous les auspices de la Commission méditerranéenne du développement durable (CMDD) : Fréjus en 1997, Fiuggi en 2002 et Saragosse en 2007. Ces différents ateliers ont ainsi permis une reconnaissance progressive de la GDE en tant que voie prioritaire pour contribuer à atteindre deux objectifs au cœur du concept de développement durable : l’évolution des modes de consommation et de production non viables d’une part, la protection et la gestion durable des ressources naturelles en tant que facteur de développement économique et social d’autre part. Ils ont permis de débattre des outils de mise en œuvre des politiques de GDE et montré que les progrès les plus significatifs avaient été obtenus par une combinaison d’outils (stratégies, organisation institutionnelle, tarification, subventions, etc.) mis en œuvre de façon progressive et continue. Lors du Forum de Saragosse (2007), le Plan Bleu a été mandaté pour organiser un 4ème atelier régional sur la gestion de la demande en eau.
La Déclaration de la Conférence Ministérielle Euro-Méditerranéenne sur l’eau, tenue le 22 décembre 2008 en Jordanie, a ainsi conduit au développement d’un projet de Stratégie de l’Eau pour la Méditerranée dont l’un des axes prioritaires est la recherche du juste équilibre entre consommations et disponibilités en eau, y compris en proposant des mesures d’adaptation et de prévention des conséquences des sécheresses et de l’augmentation de la rareté des ressources en eau.
L’expérience méditerranéenne en matière de gestion de la rareté de l’eau et de GDE pourrait être utile à d’autres régions du monde confrontées aux mêmes enjeux.
Programme du CMI sur l’approche économique de la GDE
Dans ce contexte, en 2009, l'Agence française de développement (AFD) et le Plan Bleu ont lancé, en partenariat avec la Banque mondiale et dans le cadre du Centre pour l’intégration en Méditerranée (CMI, www.cmimarseille.org), un programme régional visant à appuyer les pays méditerranéens pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques de gestion de la demande en eau (GDE). Au centre de tous les discours depuis quelques années et figurant en bonne place dans toutes les stratégies nationales aux côtés des politiques classiques de mobilisation de nouvelles ressources, le concept de GDE doit être rendu plus opérationnel, notamment par l’utilisation de concepts et outils économiques permettant aux nombreuses parties prenantes, issues de différents secteurs d’activité, d’avoir un langage commun et d’aboutir à des décisions à la fois plus informées, rationnelles et consensuelles sur des points essentiels de politique économique comme les choix entre différentes options d’économie d’eau ou de gestion des prélèvements, la tarification de l’eau dans ses différents usages, les taxes ou subventions existant dans d’autres secteurs que l’eau mais affectant l’utilisation de l’eau, ou les choix d’allocation basés sur une analyse de l’efficacité intersectorielle de l’eau.
Ce programme combine des études de cas sur l’efficience dans l’utilisation de l’eau et sur l’approche économique de la GDE, ainsi que des actions de concertation, de formation, de dissémination et de valorisation afin de contribuer aux réformes de politiques publiques et au renforcement de compétences dans le domaine de la GDE.
Une de ses composantes est la réalisation d’une série de rapports de synthèse régionale sur l’approche économique de la GDE en Méditerranée, en s’appuyant sur les travaux déjà réalisés :
- d’une part les études prospectives sur l’efficience dans l’utilisation de l’eau menées par le Plan Bleu dans 14 pays (Algérie, Israël, Bosnie Herzégovine, Italie, Tunisie, Turquie, Chypre, Liban, Croatie, Malte, Egypte, Maroc, Syrie, France (à paraitre)) et,
- d’autre part quatre études de cas sur l’approche économique de la GDE pilotées par l’AFD et/ou le Plan Bleu en Croatie, Jordanie, Maroc et Tunisie.
Treize études prospectives nationales sur l’efficience dans l’utilisation de l’eau sont déjà consultables sur le site internet du Plan Bleu et ont fait l’objet d’une synthèse intitulée « Vers une meilleure efficience de l’utilisation de l’eau en Méditerranée » (Plan Bleu, 2012). Parmi les études de cas spécifiques sur l’approche économique de la GDE, trois sont finalisées (Croatie, Jordanie et Maroc) et la quatrième (Tunisie) est en cours. Sur la base des études réalisées en Jordanie et au Maroc, des ateliers nationaux de restitution, de dialogue stratégique et de renforcement de capacités ont été organisés à Amman (décembre 2011) et Rabat (mars 2014). Les actes des ateliers sont consultables sur le site du CMI. Les premiers enseignements des études pilotes ont été présentés au 6ème Forum Mondial de l’Eau de Marseille en mars 2012 (session Gestion de la demande, processus régional méditerranéen), positionnant ainsi clairement cette initiative dans le contexte régional et dans les fora de discussions internationales sur la gestion des ressources en eau. Ces résultats contribueront également à l’établissement d’un contenu de référence en matière de formation sur la gestion de la demande en eau à la suite des deux sessions déjà réalisées en Jordanie et au Maroc.
La phase actuelle du programme consiste en la réalisation des rapports de synthèse régionale revisitant en particulier les notions de coût et de valeur de l’eau, les principes de tarification et les choix d’allocation qui en découlent ainsi que les bases économiques de la gestion des ressources communes, et leur potentiel en matière d’aide à la décision dans des situations concrètes. Les instruments de GDE seront analysés en fonction de leur pertinence, conditions et limites d’utilisation, rapport coût-efficacité, acceptabilité sociale, impact (économique, social et environnemental), à la fois d’un point de vue théorique et empirique, à l’aide d’études de cas, permettant ainsi de rendre le concept de GDE plus opérationnel pour des décideurs.
Trois rapports sont prévus, portant respectivement sur :
- les instruments économiques pour la gestion de la demande en eau en Méditerranée, financé par le PAM, l’ONEMA et le CMI (réalisé) ;
- l’efficience intersectorielle de l’eau, les choix d’allocation et l’eau virtuelle, financé par l’AFD (en cours) ;
- la gestion des ressources en eaux souterraines comme biens communs, financé par l’AFD (en cours) ;
Objectifs
L’objectif général de l’atelier sur la gestion de la demande en eau (GDE) est d’appuyer les pays méditerranéens à développer et adopter des politiques de gestion de la demande en eau.
Cet atelier s’inscrit dans la continuité des précédents ateliers régionaux sur la GDE organisés par le Plan Bleu et ses partenaires, également des sessions sur la gestion de la demande en eau organisées lors du 6ème Forum mondial de l’eau (Marseille, mars 2012), et contribue au processus préparatoire méditerranéen pour le 7ème Forum mondial de l’eau (Daegu, avril 2015). Il se déroulera dans le cadre du 2nd Forum méditerranéen de l’eau (Murcie, 25-27 novembre 2014).
Les objectifs spécifiques sont les suivants:
- Partager les connaissances et les analyses issues du programme du CMI sur l’approche économique de la GDE ;
- Diffuser les solutions et bonnes pratiques identifiées en matière de GDE et faciliter la coopération régionale dans ce domaine ;
- Identifier la contribution potentielle de ces travaux à la mise en œuvre de la composante “Eau” de la Stratégie méditerranéenne de développement durable (SMDD) et à la réalisation des cibles MED1.1 et MED 1.2 adoptées lors du 6ème Forum mondial de l’eau ;
- Promouvoir au niveau international l’approche méditerranéenne.
L’atelier se structurera autour de 4 axes thématiques:
1/ Le suivi des progrès réalisés, la promotion des politiques de GDE en Méditerranée et les difficultés rencontrées.
2/ Les instruments économiques pour la GDE ; à cette occasion, le rapport de synthèse réalisé sur ce thème dans le cadre du programme GDE du CMI sera rendu public.
3/ L’efficience intersectorielle de l’eau, les choix d’allocation et l’eau virtuelle.
4/ La gestion des nappes et des aquifères comme ressources communes.
Une session présentera également les derniers travaux du Water Think Tank sur la gestion de la demande en eau à l’échelle du territoire. Lancé en 2009 à l’initiative de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco lors du 5ème Forum mondial de l’eau à Istanbul, le Water Think Tank est une plateforme partenariale qui mène des travaux de Recherche-Action sur le thème de l’eau en Méditerranée. Plusieurs partenaires (le Plan Bleu, l’Office International de l’eau, l’UNITAR et Veolia Environnement) ont rejoint cette plateforme dont le secrétariat est assuré par la Fondation Prince Albert II de Monaco. Sa vocation est de contribuer à la diffusion de messages essentiels à la sensibilisation et à une meilleure prise en compte de l’environnement dans l’espace méditerranéen.
En parallèle de l’atelier, une dizaine d’interviews seront menées afin d’alimenter les réflexions du Water Think Tank sur la Gestion de la demande en eau en Méditerranée et seront relayées sur internet. Pour développer au maximum cette approche cross-media, un court témoignage vidéo/podcast pourra être réalisé.
Cet atelier régional conduira au développement de recommandations opérationnelles en matière de mise en œuvre de la GDE, qui seront valorisées lors du 7ème Forum mondial de l’eau.
Organisateurs et public cible
Organisateurs
Agence française de développement (AFD), Centre de Marseille pour l’intégration en Méditerranée (CMI) et Plan Bleu.
Bailleurs: AFD, CMI, PAM (Plan d’action pour la Méditerranée).
Partenaires : Fondation Prince Albert II de Monaco, Water Think Tank, Institut méditerranéen de l’eau.
Public cible
Une cinquantaine de participants sont attendus : décideurs nationaux, locaux et régionaux de pays méditerranéens, agences de bassin, sociétés de services d’eau, organismes en charge du développement régional ou de l’irrigation, usagers, secteur privé, chercheurs…
Lieu et Durée
Lieu: Auditorium Victor Villelas et Centre de Conférences, Murcie - Espagne
Durée : 1 journée (25 novembre 2014)
Langues
Une traduction simultanée en anglais et français sera assurée
Projet d’agenda
25 Novembre 2014
Facilitateur: à confirmer
8:30 Accueil et enregistrement des participants
9:00 Discours d’ouverture (intervenant à confirmer) et introduction
1/ Présentation “De Saragosse à Murcie”: leçons apprises des précédents ateliers, objectifs de l’atelier, conclusions du 6ème FME sur la GDE… (Plan Bleu)
2/ Présentation générale sur la GDE en Méditerranée (Céline Dubreuil-Imbert, Plan Bleu)
9:30 Session 1: Le suivi des progrès réalisés et la promotion des politiques de GDE en Méditerranée
Présentation de 3 expériences méditerranéennes en matière de GDE : (intervenants à confirmer)
- cas du Maroc
- cas de l’Espagne
- cas de la Jordanie
10:15 Discussion avec les participants
11:00 Pause café
11:30 Session 2: Approche économique de la gestion de la demande en eau (1/3)
- Présentation du programme CMI (Frédéric Maurel, AFD)
- Guide méthodologique à l’attention des collectivités territoriales (Céline Dubreuil-Imbert, Plan Bleu)
12:00 Session 2: Approche économique de la gestion de la demande en eau (2/3)
Les instruments économiques pour la GDE : quel impact en Méditerranée ?
Intervenant : Dominique Rojat, AFD
12:15 Discussion avec les participants
13:00 Déjeuner
14:00 Session 2: Approche économique de la gestion de la demande en eau (3/3)
Quels instruments pour réguler l’exploitation des eaux souterraines ?
Intervenant : Sébastien Chazot, BRLi
14:15 Discussion avec les participants
15:00 Comment encourager une meilleure allocation intersectorielle de l’eau ?
Intervenant : Sébastien Loubier, IRSTEA
15:15 Discussion avec les participants
16:00 Pause café
16 :30 Session 3 : Mieux gérer la demande en eau en Méditerranée : informer et sensibiliser à l’échelle du territoire
Président : Sébastien Lubert (Fondation Prince Albert II de Monaco/Water Think Tank)
Intervenant : Nicolas Dutreix, Nomadeis
17:15 Synthèse et recommandations
17:45 Conclusion et
clôture de l’atelier